Lors d'un voyage en Argentine en décembre 2002 et janvier 2003, Bruno et Laurence (rebaptisée Laura par ses cousins argentins) ont eu la chance d'assister à la consécration d'Etienne Laxague, 10ème enfant d'André et d'Elisabeth Laxague, comme évêque de Viedma (Prov de Rio Negro – Argentine). Ces quelques lignes sont un extrait de leurs notes et photos de voyage.
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Consécration Épiscopale d'Etienne Laxague
Le 21 décembre 2002, ville de Viedma (Prov. De Rio Negro). Un stade sportif plein à craquer, plus de 3000 personnes durant la cérémonie, certaines venues de fort loin. Toutes sortes de gens, beaucoup de paysans, d'indiens, de pauvre gens du coin heureux de retrouver un évêque après une année d'intérim. Énormément de ferveur, de participation, de joie festive. Nous, la famille, sommes privilégiés, notre petit ruban jaune nous donne accès aux rangs tout proches de l'autel. Sur le mur, une immense banderole avec la phrase choisie par Etienne : « Aqui estoy, Dios, para hacer tu voluntad » (Mon Dieu je suis ici pour faire ta volonté).
La famille s'installe dans le gymnase, une heure avant le début de la célébration
Tout est formidablement organisé, une centaine de bénévoles ont travaillé depuis des semaines pour préparer cet évènement. Suivant les recommandations des organisateurs, qui souhaitent placer les gens dans le calme, nous arrivons vers 6 heures du soir, une heure avant la début de la cérémonie. Le temps d'attente nous paraît court, car nous rencontrons et bavardons avec de nombreux cousins, oncles et tantes. Sur les 18 frères et soeurs d'Etienne, 15 ont pu faire le déplacement, plus une quantité de neveux (22 sur 71, me précise Bernard, statisticien officiel de la famille. Bernard est à peu près le seul à disposer de chiffres précis et à jour sur l'effectif de sa famille). Dans un mail familial les jours précédents, Etienne avait écrit qu'il ne voulait pas que la venue à cette cérémonie cause le moindre problème à qui que ce soit, que l'important était de participer par la prière.
Il y a là les tantes du Cerro, Michelle et Rose-Anne, venus de 1000 km avec Yves et Jeannine. A 81 ans, oncle Bernard est venu allégrement en voiture de son campo à 250 km de distance, avec Tante Manina. Nous parlons un peu avec lui, il voit bien qui nous sommes mais il est d'un naturel réservé, comme son fils Nicolas venu avec son épouse Teresa.
Tante Elisabeth, qui hésitait les jours derniers à venir à cause de sa santé, est bien là, finalement, ainsi que Tante Thérèse, venue de Sierra de la Ventana. Leur soeur Alix, dite Pinette, la seconde Maman des 19, sur qui repose dorénavant toute la marche de la maisonnée du « Dos de Mayo » ne saurait manquer un tel évènement, évidemment. Tout à l'heure, lorsque le célébrant citera « la madre del Padre Obispo Esteban », la salle entière résonnera d'une formidable ovation, des applaudissements nourris pendant de longues minutes. Que pense t'elle derrière son visage en apparence impassible ? A son mari, certainement. Peut-être à ce jour où Etienne était entre la vie et la mort après être tombé dans une marmite d'eau bouillante ( il avait un an ) : elle avait prié le Saint Don Bosco et lui avait dit : « si tu le sauves, il sera à toi. ». Elle ne révélera cette promesse que de nombreuses années plus tard, après qu'Etienne lui ait fait part de sa décision d'entrer dans les ordres.
Les évêques consacrants: Mgr. Mayer, archevêque émérite
de Bahia Blanca, Mgr Melani et Mgr. Radrizzani
Pierre et Joseph entourent leur frère
durant la consécration
La procession arrive enfin, une soixantaine de prêtres (dont Pierre et Joseph, frères d'Etienne), 8 évêques et 3 archevêques dont le nonce apostolique, c'est impressionnant. Etienne est au milieu d'eux, concentré, en prières. Durant toute la célébration, il fera preuve d'humilité et de simplicité, conforme à ce qu'il est. Cela ne doit pas être si facile avec les centaines de regards fixés sur lui et les photographes, officiels ou non. Ses premiers mots d'évêque seront, après quelques boutades montrant qu'il ne se prend pas au sérieux (« maintenant vous pouvez prendre des photos de moi avec tout l'attirail » – la crosse et la mitre), pour remercier et pour parler des plus humbles, des pauvres – nombreux dans la province. Son intervention est ainsi rapportée le 23 décembre 2002 par le journal La Región (quotidien de Bahia-Blanca) :
Dans son premier message à la congrégation locale, message humble, simple et humain, l'évêque Etienne María Laxague loua Dieu pour les dons qu'il avait reçu de Lui, citant la vocation salésienne, le sacerdoce et ce ministère au service des fidèles. Rempli d'une visible émotion qui ne l'empêchait pas de parler d'un voix forte et assurée, Laxague remercia pour les protections et les influences reçues tout au long de sa vie, en mentionnant particulièrement sa mère.
« Elle m'a confié à Don Bosco. Mon père, du haut du ciel, m'aidera à défendre cette Eglise pour laquelle il a tant souffert. » Il rappela que la devise qui guiderait son travail pastoral l'accompagnait déjà depuis son ordination sacerdotale et il pria Jésus Christ de lui accorder un coeur miséricordieux afin de servir auprès de tous : les plus pauvres, les malades et les jeunes.
« Je veux apporter tout ce que je suis pour construire la Patrie et la province que nous désirons » dit-il avant d'exprimer sa reconnaissance à ses parents, à sa famille, aux communautés et à ses collègues, à la Congrégation Salésienne et à l'Inspection Salésienne. Il exprima son intention de suivre les traces de ses prédécesseurs. Il salua tout spécialement la présence à cette cérémonie de représentants d'autres confessions chrétiennes et déclencha une ovation en annonçant qu'il plaçait son service éclésiastique sous la protection du Saint infirmer de la Patagonie, Don Artémides Zatti.
« Je suis patient, je chemine, me voici, j'ai besoin de vous tous », conclut Laxague sous des applaudissements nourris.
L'évêque Melani - d'origine italienne - qui consacre Etienne, chaleureux et plein de charisme, avait en guise de boutade salué le choix du nonce de proposer Etienne : « Très mince, un vrai évêque de crise, bien adapté à notre pays. Mas flaco no hay ! On n'aurait pas pu trouver plus mince ! ».
De nombreux moments d'émotion intense. Laura et moi sommes pris par cette cérémonie, par cette ferveur, à un point que j'étais loin d'imaginer.
Lorsque Tante Elisabeth viendra à l'autel, c'est elle qui lui enfile son anneau évêque – petite entorse au protocole officiel, parait-t-il, entorse voulue par les organisateurs.
Au moment de la paix, tous les évêques et prêtres viennent chacun embrasser Etienne (le tenir dans ses bras), et puis c'est le tour de la famille, Tante Élisabeth, suivie de ses enfants, des neveux... Tout cela dure un bon bout de temps, bien-sûr, on pourrait penser que cela devient rébarbatif ou répétitif mais la réalité pour tous les participants dans la salle est bien loin de cela. Etienne reconnaît chacun, a un mot pour certains... Nous sommes nombreux à avoir une grosse boule dans la gorge, les yeux rouges ; même les neveux les plus jeunes sont très émus. Etienne est digne, souriant, un visage rayonnant. Par discrétion, je pense m'abstenir : rien que la famille proche, cela fait déjà beaucoup de monde qui vient embrasser Etienne, nous ne sommes que des cousins issus-de-germains. Mais Laura me convainc d'y aller : après tout, avec oncle Yves et tante Jeanine, nous représentons la famille française d'Etienne. Nous passons parmi les derniers, je dis à Etienne que de nombreux cousins, oncles et tantes français, participent par le coeur, il me tient longuement et me dit : « priez ».
Les neveux sont également très impressionnés. Martin (8 ans) dit « Tintin », un petit rouquin effronté et adorable, le fils de Claire et Laurent Stier, confiera : « Ben dis donc, tant de monde ! Qu'est ce que ce sera quand il sera nommé pape ? ». La vérité sort de la bouche...
D'autres images... Au moment de l'échange de la paix, un jeune gars, manifestement simple d'esprit, s'est approché, glissé dans les rangs de la famille qui attend pour embrasser Etienne. On lui fait une place dans la file, il atteint Etienne qui le serrera contre lui avec tendresse, plus longtemps qu'aucun autre. Le jeune repart à sa place, en pleurs...
Chaque paroisse du diocèse a depuis des jours préparé des cadeaux de bienvenue pour Etienne, spécifiques de leur région et de leur activité. Ils viennent les déposer en une longue procession, cela n'en finit pas. On voit des paysans apporter une corbeille de fruit superbe, des indiens en tenue typique des spécimens de leur artisanat... tant des gens qui ont préparé la venue de leur évêque ! Quant on pense que certains, retenus par les préparatifs des logements ou de la fête qui va suivre, ne pourront même pas assister à la célébration !...
On nous a expliqué qu'après la cérémonie religieuse, un pot – dînatoire « a la canasta » était organisé pour tous, dans le Goliath, un boliche, qu'on nous a traduit par : une boite de nuit ! Qui sait si le nouvel évêque va danser sur les tables ?... En fait de boite de nuit, le Goliath se révèle plus proche de la salle des fêtes, immense pour accueillir tout ce monde. Encore des applaudissements lorsque Etienne arrive, tant de gens veulent le saluer, l'embrasser, idem pour sa mère. On s'embrasse beaucoup en Argentine, même si on se voit pour la première fois. Soit au sens littéral du mot : serrer dans ses bras, soit en se faisant la bise, une seule. Laura et moi ne sommes plus étonnés de voir les prêtres claquer la bise à leurs copines bonnes soeurs, ni – comme lorsque nous avons visité l'évêché avec Etienne – de rencontrer quelques évêques qui, aussi sec, font un petit bisou à Laura et me serrent dans leurs bras.
En partant vers une heure du matin, comme tout groupe de jeunes à la sortie d'une boite de nuit, les tantes Rose-Anne et Michelle, Yves, Jeanine et Patrick du Vignaux s'attardent à la porte pour discuter. Nous leur tenons compagnie un moment, Laura est séduite par ces « vieilles tantes » qu'elle n'a pourtant pas encore vues dans leur élément naturel = le Cerro. Le petit groupe attend indéfiniment une voiture improbable pour les reconduire chez Nicolas... Nous leur proposons de venir camper dans l'école salésienne où nous sommes installés, en nous serrant, mais les tantes déclinent. Comme elles sont sous la protection de deux hommes solides, nous n'avons guère de remords de les laisser à leur sort, et effectivement, nous les reverrons deux semaines plus tard au Cerro, apparemment toujours en vie et en grande forme.
La Flecha Missionera, autrement dit Jean Laxague et sa famille, repartent pour Missiones aux aurores le dimanche matin ; ils auront avalé plus de 5000 km de minibus en 6 jours pour venir à Viedma. Laura et moi nous levons tôt pour leur faire la surprise d'une despedida. Espérons que l'alternateur tiendra, cette fois-ci.
Etienne dit sa première messe en tant évêque, à la cathédrale, concélébrée avec quelques complices dont bien entendu ses frères Joseph et Pierre. Une très belle image sera la consécration de l'eucharistie par Etienne, Pierre et Joseph. Faute d'avoir pu être fixée sur la pellicule, elle reste gravée dans notre mémoire.
Comme pour un déjeuner de lendemain de mariage, celui du dimanche rassemble tous ceux de la famille qui sont restés, dont Etienne qui s’est pour un temps libéré des ses nouvelles missions. Je dépose sur la table d’honneur une bouteille de vin « Larminat 2001 – réunion des descendants de Louis Larminat – Bovrel, 26 mai 2001 ». Pour cette fois, c’est la forme qui compte plus que le fond : si le bordeaux contenu n’est pas une très grande cuvée, la bouteille est un symbole familial. Tante Elisabeth l’emportera vide chez elle, se disant sans doute : « Qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon ».
Des cadeaux sont remis à Etienne. Plusieurs petits discours, en espagnol ; dans la salle en effet, tout le monde – à part Laura – parle espagnol tandis que nombreux sont ceux qui ne parlent pas le français, surtout parmi la jeune génération. Michel Diesse, ami basque de la famille, pousse une petite chansonnette du pays en basque. Le père français Michel Anquetil fait chanter à toute la salle « Alouette, gentille alouette », histoire de montrer que la langue ne se perd pas complètement (je me demande in petto si cela fait partie du protocole épiscopal). J'improvise un discours baragouiné en castillano, je ne sais si je suis compris mais l'audience est indulgente et applaudit. Je voulais dire combien il est important que notre famille, des deux cotés de l'atlantique, continue à se parler et à se connaître, à partager lors de grands évènements comme celui que nous vivons.
Tante Elisabeth, Ignacio et
Etienne Laxague
Tout le monde est reparti, tante Elisabeth est la dernière à embrasser Etienne qui reste tout seul, l'air un peu triste paraît-il... Tante Elisabeth racontera qu'elle a alors ressenti le même déchirement terrible que lorsqu'elle laissait ses enfants pour un trimestre, pensionnaires au collège Fortin Mercedes. Laura et moi aurons l'occasion de recroiser Etienne par la suite durant notre séjour (rencontré par hasard lors d'un arrêt sur la route alors que nous effectuons 1000 kilomètres entre Junin et Bahia Blanca : coïncidence incroyable dans cette immensité), il nous est apparu bien occupé mais très serein, pas du tout occupé à se morfondre en tous cas !
Quelques uns des descendant d'André et Elisabeth Laxague présents le 22 décembre
Debout de G à D : Thomas Quiqueran, Philippe Stier, Tomás (Michel), Jacques, Stephan Quiqueran, Delphina (Michel), Rose, Joseph, Bernadette, Etienne, Ignacio (Michel), Ines et Michel, Bernard, Geneviève, Pierre
Assis 2ème rang : Ines, María et Cecilia (Michel), Vincent, Elisabeth, Marie, Claire et Laurent Stier
Assis 1er rang : Ferdinand et Adeline Quiqueran, Alfonso, Martin et Sophie Stier, Joseph Pincemin, Lucas López-Espinosa